"Le Conseil" Dans les profondeurs d'Al-Jeit...

-Encore toi, gamine !
Naorha aurait presque rit en s'agenouillant devant le vieux Fochouin qui la regardait avec un air amusé, pipe à la bouche, tapotant sa jambe faussement malade à l'aide de sa vieille canne.
-Tu es venue pour la réunion exceptionnelle du conseil ?
-Non, pour des affaires personnelles...
-Toujours des affaires personnelles, toujours... Tu es pire que ton maitre... Lui qui est toujours pour que le conseil laisse les marchombres en paix ! Je t'avoue que sur certains points, il n'a pas tord...
-Fochouin, le refuge a été déplacé.
Le vieillard souffla un nuage de fumée, ses yeux intelligents regardant dans le vide d'un air songeur avant qu'il ne lui réponde :
-C'est exact.
-Où est t'il ?
-Là où le vent t'emporte, mon enfant.

.....

Naorha avait de l'aisance à grimper, tout comme Lamek, et cela, malgré les vents d'une violence inouïe qui balayaient les plus hauts toits d'Al-Jeit. C'était moins sur pour Eirik et pour Tiam. Les deux n'étaient pas habitués à supporter une telle tempête en grimpant et manquèrent plusieurs fois de tomber, mais ils tinrent bon, suivant leurs maitres, ou plus exactement, Naorha. La jeune femme savait que c'était là qu'elle saurait où était le refuge... C'était là que Parn lui avait soufflé les mêmes mots que le vieux Fochouin... Ce fut là qu'elle se laissa tomber, sans crier gare, écartant les bras alors que les vents s'engouffraient dans son long manteau de cuir. Le métal jaillit de lui-même, enveloppant ses mains pour se planter avec violence dans la pierre. Tout ce qu'elle voyait était un dessin destiné à perdurer à jamais, et pourtant, la pierre fut transpercée comme du beurre, alors qu'elle glissait vers un gouffre. Un gouffre qu'elle n'avait jamais aperçu jusque là. Elle lâcha tout et laissa les ténèbres l'envahir.

.....

-J'aurais du me douter que tu ferais ça...
Naorha était assise face à Parn qui arborait toujours sa vieille tenue de marchombre en cuir usé et l'observait d'un regard inquisiteur. La marchombre avait mit ses mains greffés en avant pour défoncer le sol, ou plutôt, le plafond de l'antichambre du refuge de la guilde des marchombres. Elle avait réparé son erreur grâce au dessin, demandant aux autres de la rejoindre par l'accès véritable cette fois. Parn l'avait assez vite accueilli et l'avait mise un peu à l'écart pour pouvoir discuter. Quand celle-ci lui expliqua le but de son voyage, il se rembrunit, mais continua d'écouter pour pouvoir entendre sa requête : prendre en charge Tiam ou Eirik.
-Naorha, je l'aurais fais avec plaisir, mais j'ai un nouvel apprenti dont je dois m'occuper... Oui, je le sais, pour toi, ce n'est guère plaisant à savoir que tu ne seras plus mon unique élève, mais je devais le faire, à la demande du conseil. L'arrivée d'Alina Val'Alinor, Varoy Thalas...
-Quoi, il est devenu membre du conseil ?!
-Les temps changent, tu t'en doute... Donc, leur arrivée, ainsi que celle de Emarile Orlevil, ce qui ne doit guère t'étonner, à changé vraiment beaucoup de choses... Les autres membres du conseil ont démissionés, la Guilde compte désormais sur ce triumvirat, et je crois que nous n'aurions pas pu tomber mieux...
Il ne pu continuer car on entendit soudain un appel. Les marchombres étaient appelés par le conseil pour entendre le récit de Naorha Yel'Aelva et Lamek Sakio. La jeune femme se leva, prenant la main de son compagnon pour la serrer un instant avant de pénétrer la salle avec sa grâce féline habituelle. Trois paires d'yeux les jugeaient elle et celui qu'elle aimait et bientôt, la voix de l'irréelle Alina résonna dans la salle.
-De nombreux marchombres ont exprimés la requête de connaitre le récit de l'aventure de Lamek Sakio et ses décisions concernant son futur. Le conseil a apprit ce que vous projetiez, mais certains points sont à éclaircir... Et une bonne histoire vaut toujours mieux qu'une vulgaire quête d'informations.

Trois pairs d'yeux dans l'obscurité. Lamek se demandait comment le conseil avait fini par n'être constitué que de trois membres, membres inconnus d'ailleurs.
Son réflexe fut de vouloir saisir la main de Naorha, mais il y renonça au dernier moment, mieux valait ne pas s'attirer de problèmes.
- De nombreux marchombres ont exprimés la requête de connaitre le récit de l'aventure de Lamek Sakio et ses décisions concernant son futur. Le conseil a apprit ce que vous projetiez, mais certains points sont à éclaircir... Et une bonne histoire vaut toujours mieux qu'une vulgaire quête d'informations.
Le marchombre s'avança, voulant prendre la parole. Il scruta ces yeux aux sensations froides. Dans cette pièce, ne rayonnaient que les présences de sa compagne et de Alina, les autres demeuraient froides. Il avala une grande tasse d'air puis se lança.
- Noble Conseil, comme toute histoire, la notre a un début...
Et il parla, le temps s'était arrêté, seule sa paroles demeurait. Il expliqua sa rencontre avec Naorha et la fontalière inconnue. Le moment où leurs vies s'étaient croisées, leur virée dans les plateaux de l'Est. L'odeur de la nature, l'humidité des cours d'eau. Puis il aborda de douloureux souvenirs, son enlèvement. Les bruits, la flèche. Le comportement du feu.Cependant, il ne parla pas de sa faculté de métamorphose, sa compagne lui fit comprendre d'un coup de coude que mieux valait s'abstenir.
Il parla du mercenaire.
- C'était une jeune femme, froide et sourde à tous sentiments. Elle a suivie un entraînement marchombre et pire encore, j'en suis sûr. Mais il faut aussi que vous sachiez, Noble Conseil, qu'elle possède le don de Volontée. C'était comme si elle contrôlait les éléments, le feu s'arrêtait puis reprenait, puis elle a réussi par je ne sais quel moyen à me faire perdre la mémoire. Le noir absolu. Naorha m'a récupéré et nous nous sommes séparés, au Pays Faël, je me suis rendu au près de Eirik mon apprenti, et Naorha je ne sais où.
Je m'arrête ici et laisse la parole à Naorha.
Mais, il se reprit, voulant éclaircir les choses avec ces nouveaux membres du conseil, voulant qu'ils comprennent qu'il n'était plus celui qui obéissait au doigt et à l'oeil, seule sa liberté et celle de ses proches lui importaient.
- Toutefois, je veux que vous sachiez que je n'accepterais que Kamil ou Kamel comme maître marchombre pour Eirik.
Sur ces mots, il se remit aux côtés de sa compagne, lui dévoilant un air malicieux qu'elle ne connaissait que trop bien.

Naorha et Lamek étaient entrés, laissant Tiam avec Eirik et cet homme qui se nommait Parn, l'ancien maître de son mentor lui avait-on dit.
Le Faël regarda autour de lui, plusieurs marchombres étaient présents, certains apprentis, d'autres maîtres, d'autres marchombres tout court. Il se sentait seul, là, au milieu de tous ces hommes et femmes, il s'était habitué à la présence réconfortante de Naorha, tout comme le Eirik d'ailleur. Le thül ne cessait de regarder autour de lui, à la fois désorienté et émerveillé par tant de choses, tant de monde. Au milieu de tous ces individus, un homme se démarquait, portant une vieille tenue de cuir usée, aux odeurs de sang et de liberté, le fameux Parn.
Le Faël s'approcha, petit à petit sous tous ces regards qui le dévisageaient, demandant comment un homme de sa race était apprenti, il les ignora, s'approchant encore de cet homme mystérieux.
Un visage taillé par les années, inspirant le respect, la crainte et la sagesse.
S'y ajoutait un corps musclé, malgré les apparences, inspirant l'émerveillement.
Il le scruta, cherchant une faiblesse mais ne trouva que des qualités.
Puis, il prit sur lui-même, cherchant à engager la conversation :
- Pardonnez-moi, mais vous être maître de Flèche Ombreuse ?
A peine avait-il prononcé ces mots que tous les visages s'étaient tournés vers lui, le jaugeant ou le regardant avec dédain, il entendit même quelqu'un dire : Mais qui est cet insolent pour parler à Parn ?
Cependant, cette parole blessante ne coupa pas son élan, bien au contraire.
Tiam cessa de regarder ses pieds pour regarder cet homme si respecté.
- Moi être Tiam, apprenti de Naorha
Les yeux brillèrent de curiosité, le silence se fit. Eirik restait à part, observant un autre homme aux mêmes allures que son maître. Il était le seul à l'avoir remarqué. L'homme en question était discret, redoutable, marchombre.

Un long silence s'imposa dans la salle, les yeux des membres du conseil semblaient chercher à percer leurs pensées. Toutefois, Lamek n'y prit pas attention, comme il lorsque des protestations s'étaient élevées à l'annonce des maître que désirait le marchombre pour son apprenti. Il se contenta d'écouter le récit de Naorha dont la voix commençait à bercer tous les esprits, à apaiser les âmes. Ainsi, la suite du conseil se déroula sans encombres.
Un homme prit la parole lorsque La Flèche de l'Ombreuse eut terminé, il parlât d'une voix calme mais qui se voulait tranchante.
- Ce rendre en territoire Raïs n'est que pure folie, le sais-tu Naorha ? La menace Ts'lich a beau avoir bel et bien disparue, une telle décision parait suicidaire. Pourquoi veux-tu te rendre en ces terres, tu sembles réagir comme une gamine, ais-je tort ?
A ces mots, le point de Lamek se resserra. De quel droit cet homme pouvait-il juger la jeune femme ? Il se le demandait et ne se fit pas prier pour le faire.
- Qui es-tu pour juger cette femme ?
- Je suis membre du conseil, y vois-tu un quelconque inconvénient ?
Oui il en décelait, il ne supportait pas qu'un homme ou une femme soit jugé de la sorte, mais peut être réagissait-il ainsi parce que Naorha était sa compagne. Peut être... Aussi, il choisit de se taire, ne cherchant point à en dire d'avantage. La jeune femme lui avait fait savoir qu'elle savait se débrouiller seule. Patience était mère de sûreté, mieux valait s'abstenir. Son regard croisa celui de Alinor, il y lut comme un sourire.
- Tu ressembles vraiment à ton père mon cher Lamek, et tu as raison, cet homme ne devrait pas juger Naorha de la sorte. Mais répond donc à cet homme avec ta malice habituelle, je suis sûr qu'il comprendra...