"L'Océan" Peut-être le retour de la sérénité...

Naorha avait froid. Si froid qu'elle avait l'impression de ne plus sentir ses membres. Autour d'elle, la mer était déchainée et elle avançait sur le pont glissant d'un navire entrainé par les immenses vagues. La lune se reflétait dans la mer en furie. Une lune blanche, lugubre, dont la lumière l'aveuglait. Elle continua de marcher, atteignant la proue arrachée par l'eau. Une eau noire comme la nuit, une eau qui l'attirait inexorablement... Naorha pénétra l'eau salée et glacée avec un cri, se sentant étouffer alors qu'elle coulait, que les abysses se découvraient à elle, l'enveloppant d'ombres terrifiantes. Des ombres dont les mains entouraient son cou... Des ombres gémissantes dont les cris l'effrayaient, mais moins que des cris dont la voix était reconnaissable entre mille...
-Naorha, fuis ma chérie !
-Naorha, vas t-en !!
-Naorha, ne reste pas là !
Parn, Ulia et Enovil hurlaient, leurs ombres l'entouraient, la brusquaient, quand deux silhouettes s'approchèrent d'elle, leurs mains squelletiques se tendant vers elle.
-Tu es marchombre, Naorha ! Tu m'as menti, tu m'as trahi !
-Tu m'as trahi, Naorha... Tout n'est que mensonge...
Un rire glacé retentit en écho dans les abysses alors que les ombres l'attiraient de plus en plus profondément, qu'elle étouffait sous la pression exercée sur sa gorge. Une lame brillait, une lame qui s'enfonça dans son abdomen avec triomphe.
-Tu mourras, chienne de l'Ombreuse, rit Merine en la tuant.

-Non !
Elle se releva subitement, éblouie par la lueur aveuglante du soleil, alors que le vent frais de l'océan lui giflait le visage. Elle était étendue sur le sable chaud, vêtue de légers vêtements de lins qui laissaient ses épaules, ses bras, son ventre et ses mollets à découvert. Une sueur brulante coulait le long de sa tempe alors qu'une douleur atroce déchirait ses entrailles. Elle porta la main à son ventre, palpant avec angoisse, pour découvrir qu'il n'y avait rien. Pourtant, la douleur continuait de lui déchirer l'estomac...
-Damoiselle, un problème ?
Elle leva les yeux pour voir un pêcheur d'une vingtaine d'années aux cheveux délavés par le sel et le soleil. Elle avait vu qu'il la regardait souvent avant de partir travailler, l'observant quand elle se baignait le matin, très tôt, alors que Tiam dormait encore. Elle le laissait se reposer la nuit, mais le réveillait à coups de pied dès qu'elle en avait décidé. L'entrainement n'attendait pas. Le sable était parfait pour l'entrainer à se mouvoir dans cet élément, tout comme l'eau. Un marchombre devait savoir être rapide, endurant et silencieux comme une ombre quel que soit son terrain. Si Tiam se débrouillait bien en milieu forestier, elle avait observé qu'il avait beaucoup de mal à nager, surtout dans cet océan indomptable où la marchombre se mouvait comme une sirène. Elle avait bien apprit à nager dans les quelques rivières qui parcouraient l'Ombreuse, mais rien face à l'Océan que lui avait fait connaître Parn. Elle avait apprit à faire corps avec les vagues en nageant tout les matins sans l'aide de son maître. Elle avait plusieurs fois faillit se noyer, mais y avait échapper grâce à Parn qui l'avait repêché. De bons souvenirs d'entrainement, une époque où elle n'était qu'une enfant...
-Non, tout va bien, dit-elle pour répondre au pêcheur, se levant souplement. Vous pouvez retourner à vos... Poissons.
Le pêcheur lui adressa un sourire qu'il voulait sans doute faire charmeur, ce qui n'était guère le cas au vu de l'état lamentable de sa dentition, puis retourna vers sa frêle embarcation. Quand elle fut sûre qu'il était retourné chez lui, elle retira avec un soupir ses vêtements ensablés pour entrer dans l'eau fraiche. La sueur se mêla à l'écume alors qu'elle plongeait pour observer les profondeurs. Cette fois, aucune ombre ne vint l'étrangler, seul le silence apaisant des abysses l'accueillit. Elle remonta à la surface, aspirant l'air salé avant de nager jusqu'à pouvoir s'assoir dans l'eau. Elle ne craignait pas l'arrivée de Tiam, elle lui avait donné une journée de "repos", lui intimant d'aller la passer au village situé un peu plus loin. Elle avait aussi besoin de repos, cela tombait bien...

Tiam ouvrit les yeux, il avait bien dormi mais avait encore sommeil, décidément les entraînements de Naorha pompaient toute son énergie, le Faël se leva, du sable était collé sur sa peau, des grains granuleux qui grattaient. Maintenant c'était sûr, il n'aimait pas l'Océan, il regarda autour de lui, mais ne trouva pas son maître, elle était donc sortie.
L'apprenti marchombre se leva, chancellant sous les morsures des crampes, les entraînements étaient de plus en plus, il maniait presque parfaitement le sabre, mais désormais il devait se fondre dans une nature dont il ignorait tout. Aujourd'hui se trouvait être sa journée de repos, mais il ne se souciait pas de son état, mais de celui de Naorha, Lamek avait été clair, il devait toujours veiller sur elle durant son absence, Lamek...

Ce nom, cela faisait un long moment qu'il ne l'avait pas entendu sortir de la bouche de la marchombre, il n'avait aucune nouvelle de lui, mais suspectait Naorha d'en avoir.
Il s'approcha de l'Océan en boitant, une nape d'eau qui s'étendait jusqu'à perte de vue, son regard dériva sur la jeune femme, assise dans l'eau et le sable mou.
L'air frais et ses longs cheveux lui frappaient le visage, elle semblait pensive.
Tiam s'approcha, serrant les dents, sa jambe lui faisait mal, et Naorha lui répétait : ce sont les muscles qui se forment.
Les muscles ? Il avait de la peine à y croire mais n'avait pas voulu la contrarier, il s'assit à côté d'elle, restant silencieux durant un moment, il ne savait pas quoi dire, la seule chose qu'il voulait dire restait bloquée dans sa gorge, de peur de le dire.
Il adrmira l'Océan, les reflets des rayons du soleil sur les vagues, l'écume qu'elles créaient en s'échouant sur les rochers, enfin, il se décida, il posa cette question dont il craignait d'entendre la réponse, de peur de connaitre la vérité.
- Quand Souffle nous rejoindre ? Demain ? Prochains jours ? Jamais

Il déglutit en prononçant ce dernier mot, un silence s'imposa le vent fouetta le visage du Faël, une larme commença à couler, il chuchota, se parlant à lui même, parlant au vent.
- Lamek mon frère, où être toi ?

Eirik essuyait la sueur qui coulait sur son front. Il n'était pas habitué à une chaleur aussi suffocante et observait avec envie les vagues de l'océan. De sa vie, il n'avait jamais vu une telle immensité et comprenait désormais Naorha. Quand ils avaient découvert pour la première fois l'océan, Eirik n'avait pu retenir une exclamation de surprise et d'émerveillement. Lamek, lui, n'avait rien dit, le regard aussi vide qu'à son habitude. L'instant s'était terni aux yeux de l'apprenti marchombre qui marchait désormais en silence, triturant de temps à autre son armure pour faire passer un peu d'air. Le soleil tapait fort sur leurs têtes, brulant leur peau, même si elle était habituée à ses rayons. Les cheveux d'Eirik, jadis châtains clairs, s'étaient éclaircis avec le temps et quitter Astariul ne les avaient pas arrangés. Ils étaient désormais d'un blond presque doré, quelques mèches caramel parsemant sa chevelure longue et emmêlée. Il avait l'impression d'être un adolescent quand il s'observait dans la lame de son sabre, mais songeait parfois que se rajeunir un peu était peut-être mieux pour revoir Naorha. La jeune femme ne devait guère avoir changé, alors que lui...
Il jeta un œil à son maître, toujours pensif, mélancolique. Il n'avait rien dit pendant tout le trajet lors des moments de tristesse de son rival devenu ami, mais il savait mieux que quiconque ce que ressentait le marchombre. Il était peut-être temps de lui faire partager son expérience...
-Pense à autre chose, lui intima le Thül en prenant un air dégagé. Je sais que les sentiments qui te rongent ne disparaitront pas de sitôt, mais ce n'est pas en te morfondant que tu réussiras à passer outre. Tente de l'oublier quelques instants et d'apprécier le paysage. La beauté de la nature vaut parfois toute les femmes du monde !
Il lui adressa un sourire complice avant de se reculer un peu pour passer un bras derrière ses épaules à la manière d'un ami, d'un frère. Le maître avait parfois tendance à oublier que son élève était plus âgé que lui, mais la frontière des âges s'avérait finalement pas aussi mince qu'on aurait pu le croire. Eirik s'était finalement assagi avec le temps, il était moins impétueux, plus contemplatif, bien qu'il avait du mal à rester en place, comme tout ceux de son peuple. Il approchait d'un âge où il aurait déjà du être un père de famille aimant, et non pas un apprenti marchombre, mais ce n'était pas ça qui importait vraiment. L'arrivée de Naorha avait changé leur vie à lui et son maitre, il songeait vraiment que la jeune femme finirait par changer la face du monde. Il entretenait cet espoir secret, comme si cette personne éprise de liberté, cette jeune orpheline à la beauté d'une nymphe pouvait accomplir des miracles que les humains pouvaient à peine discerner. Il tapota l'épaule de son camarade avant de s'éloigner un peu, observant un peu la terre ferme. Un peu plus loin, on apercevait la fumée des cheminées d'un village. Pas très grand, sans doute, mais il ne s'attendait de toute façon pas à une métropole au milieu de nul part. Il eu un soupir, puis continua à regarder l'océan, attendant peut-être de voir surgir quelque chose, un signe... Un signe qui ne venait pas...

Naorha se rhabillait après le bain qu'elle avait prit. Tiam était arrivée à l'improviste alors qu'elle était en train de se baigner et malgré la tristesse qui envahissait le Faël, elle n'avait pu résister à l'envie de lui botter le train, rouge de honte qu'il soit venu alors qu'elle s'était dénudée pour profiter de l'eau fraiche. Elle lui avait ordonné de faire autant de pompes que possible, jusqu'à ce que certains principes lui restent en mémoire. Elle l'entendait peiner et le réprimanda sèchement quand il commença à faiblir. Elle espérait silencieusement qu'Eirik n'ai pas vu cela si il était dans le coin, elle n'avait pas envie d'avoir à faire face à une nouvelle polémique. Elle se laissa tomber sur le sol, laissant son apprenti à ses efforts, plongeant dans l'Imagination. Elle avait eu raison de s'inquiéter, elle sentait les deux hommes pas très loin d'elle. Vraiment peu loin... Elle approcha son esprit de celui de Lamek pour lui parler. La barrière avait disparu, cela la soulageait, mais peut-être n'était-ce que pour un temps... Aussi, elle se dépêcha de faire parvenir son message.
Lamek, c'est Naorha... Cela fait plusieurs semaines que je tente de te parler, je n'y arrivais pas... Si tu savais comme tu me manques... Et comme je regrette tout ce qui s'est passé. Je n'aurais jamais du te faire autant de peine... Pardonne-moi, Lamek.
Elle quitta brusquement l'Imagination, comme si une volonté supérieure la repoussait. Elle ouvrit les yeux puis se leva pour se tourner vers la falaise. Ils étaient là... Deux silhouettes solitaires sur la lande, le regard tourné vers l'océan, leurs chevaux derrière eux. Elle ne prêta même plus attention à Tiam, le cœur battant, elle bondit, ses mains devenant d'acier pour s'accrocher à la paroi et la faire monter d'un bond jusqu'aux deux hommes. Elle ne réfléchit même pas quand elle bascula pour entourer Lamek de ses bras, sentir sa peau contre elle. Elle aurait aimé l'embrasser mais se retint en se dégageant au bout d'un moment. Puis, elle se tourna vers Eirik. Le Thül était resté en arrière d'un air gêné, ses longs cheveux dorés tombant sur ses traits durs mais toujours aussi agréable. Elle fut surprise de découvrir de petites rides aux coins de ses yeux et quelques cheveux blancs, presque invisibles, sur ses tempes. Il avait vieilli pendant toutes ses années. Il semblait réellement plus vieux qu'elle à ses yeux et cela lui donnait une étrange impression, comme si elle lui avait volé quelques années de sa vie. Elle était toujours restée aussi jeune, aussi belle, quoiqu'un peu plus mur. Pas lui, malgré une apparence globalement jeune. Elle ne savait pas vraiment comment réagir face à son ami et restait à le dévisager comme si elle était face à un étranger. Au bout d'un moment, néanmoins, elle l'enlaça à son tour, bien que plus timidement et moins longtemps qu'avec Lamek. Elle sentait aussi le gêne du Thül, ainsi que son cœur battant à tout rompre sous ses doigts. Quand elle se retira, elle lui fit un petit sourire, bien que son regard était immanquablement attiré par Lamek. Au bout d'un moment, elle leur dit simplement :
-Vous m'avez manqué...

-Vous m'avez manqué...

Lamek la regarda, le regard neutre, il ne voulait pas montrer à quel point il était heureux de la revoir, pas devant Eirik. Cela dit, le marchombre n’avait pas put retenir un soupir de soulagement en la voyant, il avait rougit sans le vouloir lorsqu’elle l’avait enlacé, il aurait aimé caressé ses doux cheveux, son visage d’ange, mais n’avait rien fait. Il avait accompli la mission qu’il s’était assigné et l’avait remplie, il ne lui restait qu’à enseigner à Eirik durant trois été.
La marchombre n’avait pas changée, toujours aussi belle que le jour, il ne put retenir un sourire rêveur en la voyant plonger son regard dans le sien, il l’aimait, mais elle, qu’en était-il.

Lamek avait reçu le message, mais il ne jugea pas utile pour le moment de dire à la jeune femme qu’il l’avait déjà pardonné, à son avis, pourquoi était-il allé chercher Eirik. Le vent commença à fouetter ses cheveux qui avaient commencés à pousser, il respira l’air frais, contemplant Naorha.
Il s’approcha de Eirik, lui mettant la main sur l’épaule, il observa la gêne de son apprenti mais ne dit rien, cela ne le concernait pas, il regarda la mer, la falaise sur laquelle ils étaient postés la surplombait, puis il vit Tiam et ne put se retenir d’éclater de rire. Son ami, continuait ses pompes, ignorant l’absence de son maître, il se tourna vers Naorha, les larmes aux yeux, lui lançant un regard qui comportait un grand nombre de remarque comme : Tu es un peu dure avec lui, tu ne trouves pas ?
La jeune femme ne broncha pas, elle semblait observer le marchombre, il est vrai qu’il avait changé pendant ce voyage, il s’était amélioré au point de presque atteindre le niveau de la marchombre, son visage était devenu celui d’un véritable homme, ses cheveux mi courts, mi longs lui donnaient un air, une air marchombre. Mais il avait toujours conservé son regard sauvage, et son odeur.
Naorha aussi semblait différente, mais il n’en fit pas la remarque, le Thül, enfin sortit de sa gêne commença à parler de son entraînement, comme si c’était la plus belle des choses, pourtant Lamek avait fini par lui demander beaucoup.
Le colosse raconta ce qui s’était passé, pendant ce temps, Lamek s’éloigna, petit à petit.
* Mieux vaut les laisser seul, pour qu’ils fassent à nouveau connaissance*

Il s’éloigna, allant au bout d’une plateforme, respirant l’air chaud, sentant le vent salé de l’Océan lui fouetter le visage, il vida son esprit, entrant dans une sorte de méditation, se vidant, il se sentait revivre, loin d’elle il était mourrant.

Eirik n'avait jamais été aussi heureux de sa vie. Il avait du mal à contenir ses émotions de revoir la marchombre, mais étrangement, au fond de lui, il y avait un certain malaise. Il avait vu son regard. Son regard qui avait parcouru son visage un instant avec comme une expression... Choquée. Choquée de voir les changements qu'avaient opérés le temps sur lui. D'un seul coup, il sentit incroyablement vieux et avoir un mouvement de rejet, comme si on lui avait donné un coup à l'estomac.
-Eirik, ça va ?
Le colosse eu un sourire pour la rassurer, mais quelque chose se brisait en lui. Elle semblait si jeune, si fraiche...

... Il lui semblait si vieux, si mûr... Naorha se sentait intimidé quand elle parlait avec Eirik. Elle avait l'impression que les quelques années qui les séparaient avaient augmentés durant leur séparation, comme si Eirik avait vécu des centaines d'années et elle, seulement quelques longs mois. Elle ne comprenait pas sa réaction, elle en avait honte... Et son regard qui tentait de trouver Lamek ! Dire qu'elle l'avait rejeté pour Eirik... Elle sursauta en sentant sa main se poser sur sa joue.
-Tu es si belle... Souffla t-il d'une voix emplie d'émotions.
Elle sentit alors ses lèvres se poser brutalement sur les siennes, alors que les immenses mains du colosse tenaient ses épaules comme s'il avait peur qu'elle ne s'échappe... Une idée qui lui vint un instant à l'esprit. Son cœur était comme glacée à l'intérieur de sa poitrine, elle ne comprenait plus rien... Quand le colosse s'écarta d'elle, elle se leva avec un sourire gêné, improvisant une vague excuse comme quoi elle ne se sentait pas très bien, puis s'avança. Elle trouva vite ce qu'elle cherchait : Lamek. Elle prit doucement sa main pour la poser sur sa joue d'un air mélancolique puis se réfugia dans l'étreinte chaude du marchombre. Un feu brulant l'animait alors que ses mains caressait le dos de Lamek. Ils étaient loin d'Eirik, loin de Tiam... Ils étaient seuls, là, devant la mer, la liberté... Elle sentait son cœur battre sous ses doigts... Un cœur qui trouvait écho au sien... Elle caressa la joue du marchombre, puis toucha du bout des doigts ses lèvres, ses lèvres qu'elle n'avait plus senti depuis si longtemps...
-Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je ne sais plus où j'en suis ?
Elle ferma les yeux, sentant les larmes couler sur ses joues alors qu'elle s'enveloppait dans l'étreinte aimante du marchombre. Elle se sentait tomber lentement dans l'inconscience, une inconscience froide, silencieuse, qui la faisait trembler comme une enfant terrifiée. Elle ne savait plus, elle n'en pouvait plus, elle n'avait plus la force...

-Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je ne sais plus où j'en suis ?

Lamek ne répondit pas, se contentant de la serrer dans ses bras, il entendit la marchombre sangloter dans ses bras, elle se serra contre lui, cherchant du réconfort, il la serra en plus. Il posa son menton sur le haut de son crâne, laissant parler le silence, il sentait les mains de la jeune femme caresser son dos, il sentait les battements de son cœur, sa respiration irrégulière.
Ils demeurèrent ainsi un long moment, puis quand Naorha prit sa respiration, Lamek la fit tourner sur place, la prit par la taille et lui fit regarder l’Océan, il savait que cela pouvait l’apaiser.
- Tu vois les vagues ? Chacunes tombent, puis renaissent, prenant comme un nouveau départ.

Il déposa un baiser dans ses cheveux, sentant les arômes, l’odeur salée de l’Océan, de la forêt, du cuir, des cheveaux, la jeune femme sembla regarder l’horizon, observant ce que Lamek lui décrivait. Il laissa à nouveau planer le silence, lui laissant le temps de reprendre possession de ses moyens.
- Tu sais, je t’ai déjà pardonné, pourquoi suis-je allé chercher Eirik ? Pour toi, pour espérer te voir sourire. Quoiqu’il arrive je serais avec toi, que tu le veuilles ou non.

La marchombre ne dit rien se contentant apparemment d’écouter ce qu’on lui disait, le vent fouettait leur visage, un vent tiède et salé, un vent empli de liberté, d’espoir, de voyage. Il serra Naorha contre lui, de peur de la perdre, mais il curieusement, il eût aussi peur de la briser, il avait l’impression qu’il tenait une rose de verre, il avait peur de la casser en lui montrant trop d’amour. Il était seul, avec elle, contemplant l’Océan, cette étendue d’eau salée, pleine de liberté, de passion.

Naorha se laissait bercer, doucement, par Lamek, par son souffle et les battements de son cœur. Elle se sentait bien, vraiment bien, dans ses bras forts qui la rassuraient. Elle était une femme forte et solitaire, mais les peines qui l'affligeaient se révélaient de plus en plus fortes à mesure que le temps passait...
Au bout d'un moment, elle se sentit reprendre son souffle et Lamek l'attrapa par la taille pour lui faire observer l'Océan, ses vagues, son écume immaculée...
-Tu vois les vagues ? Chacune tombe, puis renais, prenant comme un nouveau départ.
Elle resta silencieuse, restant contre Lamek en observant le mouvement de l'eau. Elle sentit le marchombre embrasser ses cheveux avec tendresse avant d'observer le même horizon qu'elle. Au bout d'un moment, d'un long silence, il reprit :
-Tu sais, je t’ai déjà pardonné, pourquoi suis-je allé chercher Eirik ? Pour toi, pour espérer te voir sourire. Quoiqu’il arrive je serais avec toi, que tu le veuilles ou non.
-Sourire...
Lamek la serra contre lui avec une délicatesse immense, comme si il avait peur de la briser en la tenant trop fort. Ils regardèrent l'océan un instant, puis Naorha souffla :
-Mes parents sont morts...
Elle sentit Lamek se figer un instant, avant de bouger à nouveau, s'apprêtant sans doute à la consoler, mais elle l'arrêta en continuant :
-Quand je les ai perdu, je devais avoir six ans, peut-être moins, mais pas plus. Ils ont été tués par des Rais. Mon père était un chevalier errant, un grand guerrier loyal et bon qui aimait autant la liberté qu'un marchombre. Il s'appelait Enovil. Ma mère, elle, était une dessinatrice, l'une des plus doués que l'Empire ai connu. Elle aurait pu devenir Sentinelle, mais elle a préféré suivre mon père... Elle était belle et douce... Elle s'appelait Ulia. J'entends encore ses hurlements quand mon père a eu la gorge tranchée et qu'elle m'a ordonné de fuir...
Les souvenirs de ce jour funeste étaient encore brulants dans l'esprit de la marchombre. Elle ne s'était jamais confié à quiconque sur son passé, si bien que les légendes parlant de son origine se faisaient contradictoires, bien que la plus répandu parlait d'elle en tant que fille bâtarde de l'empereur et d'une farouche princesse frontalière. Encore des histoires loin d'une réalité bien plus tragique...
-C'est Parn qui m'a trouvé alors que je fuyais dans l'Ombreuse. C'est lui qui m'a mené à l'homme qui a fini de m'élever. Je lui dois tout... Vraiment tout...
Elle leva alors le regard vers Lamek et posa sa main sur sa joue, tendrement, son regard allumé d'un flamme nouvelle. Un regard qui aurait suffit à damner un saint.
-Loin de la légende qui s'est construite autour de moi, je veux que tu vois la femme. Pas la marchombre, pas la Flèche de l'Ombreuse, juste la femme, juste l'orpheline que je suis... Et que tu...
Elle mit son autre main sur l'autre joue de Lamek, approchant son visage du sien. Eirik ou Lamek... Lamek ou Eirik... Quoi que lui dise la Voie, quoi que lui dise la marchombre, la femme avait fait son choix...
-... M'acceptes comme telle...
Elle posa ses lèvres sur les siens, sentant ce baiser tendre devenir plus fougueux, plus brulant, plus pressant, alors qu'elle passait les mains derrière la nuque de Lamek. Elle sentit tout le poids de son corps appuyer contre celui de Lamek jusqu'à les faire basculer au sol dans une étreinte longue et passionnée. Derrière le couvert des arbres, Eirik les observait en silence. Naorha ne serait jamais à lui, il en avait conscience, mais il était apaisé. La guérison de ses blessures commençait enfin.

Leur étreinte dura un long moment, enflammé, passionée, puis ce doux moment cessa, Naorha était allongée sur Lamek, la tête dans le creu de son coup, le marchombre sentait son souffle aller et venir sur sa peau, sentait aussi son coeur battre, doucement, calmement, alors qu'il y a quelques instants encore il battait la chamade.
Le jeune homme respira le parfum de la jeune femme, doux, apaisant, il aimait être avec elle, tous ses ennuis s'envolaient, un moment de liberté, d'amour qu'il n'avait encore jamais eu.
Il repensa aux paroles qu'elle avait prononcée, que peu de femmes déclaraient.
Loin de la légende qui s'est construite autour de moi, je veux que tu vois la femme. Pas la marchombre, pas la Flèche de l'Ombreuse, juste la femme, juste l'orpheline que je suis... Et que tu... M'acceptes comme telle...

Lamek la regarda, elle avait les yeux fermés comme pour goûter chaques secondes de ce moment, chaque émotion, son poids ne l'étouffait pas, c'était difficile à expliquer, il avait l'impression de pouvoir la protéger, la garder du danger.
Le silence continua un long moment, un silence rempli d'amour, de sentiments profonds, enfin le marchombre décida de parler.
- Tu as dis que tu voulais que je t'accepte comme la femme que tu es, sache que inconsciement je le faisais, je ne t'aime pas pour la marchombre que tu es, mais pour la femme qui est en toi

Le silence s'installa à nouveau, rempli du bruit des vagues s'écrasants contre les rochers, les branches des quelques arbres. Lamek passa la main sur la joue, la caressant du pouce, il était prêt à tout pour elle, tout... Et il pensait lui avoir montrer en lui amenant Eirik, pour elle, il ne souhaitait que son bonheur, après qu'importe si il en faisait parti.

Cela faisait maintenant deux jours que le marchombre découvraient les secrets de l’Océan, Lamek avait reprit l’entraînement de Eirik en main, celui-ci mettait de l’ardeur dans ses gestes, il était encore loin de la perfection.
Naorha avait aussi reprit l’entraînement de Tiam qui avait prit du grain dans la tête, fatigué par la séance de musculation qu’il n’avait cessé qu’au retour de la marchombre.
- Déplace toi plus souplement, plus vite, tu ne dois faire qu’un avec la falaise

Le Thül grimpait difficilement sur les parois, ses gestes n’étaient pas assez précis, ses mains restaient plusieurs minutes au même endroit avant de se déplacer. Pourtant le maître avait fait une démonstration, ses doigts ne touchaient la pierre que durant quelques secondes, ses mouvements étaient fluides, rapides, mais Lamek faisait avec, il était patient, après tout, chaque homme ou femme possédait un talon d’Achille, le sien était l’escalade.
Le marchombre se tourna vers Naorha, elle enseignait à Tiam comme se déplacer dans les différents milieux qui l’entouraient, il avait encore de la peine à croire qu’elle l’avait choisi, lui Lamek Sakio. Il la regarda, le regard rêveur, le Thül était bien trop occupé à l’escalade pour remarquer ce que faisait son maitre. Enfin, il sortit de cet état de contemplation pour regarder Eirik, il ne progressait que peu sur la Voie, mais avançait, c’était ce qu’il fallait.
- Alors Eirik ? C’est beau non ?

Le colosse avait le sourire aux lèvres, la vue était magnifique, Lamek le savait, il laissa son apprenti pendant quelques secondes, puis rompit de nouveau la silence.
- Maintenant il faut descendre, lui dit Lamek tout en riant

La Thül sembla blasé, monter pour redescendre, il ne comprenait apparemment pas le but de cet exercice, mais la suite viendrait bientôt, dans quelques jours, pour l’instant il devait se satisfaire de cet exercice. Lamek partit rejoindre Naorha, espérant avoir de nouveau un moment d'intimité avec elle.

Naorha était allongée sur Lamek, les yeux fermés, la respiration apaisée. Elle se sentait bien, là, devant l'océan, près du marchombre. Elle pouvait sentir le vent et les battements de son cœur... Elle l'aimait tant... Elle se sentait détendue, en paix, une chose qu'il ne lui était pas arrivé depuis longtemps... Lamek appuyait son menton sur sa tête, respirant profondément, l'entourant de ses bras chauds, protecteurs. Elle avait l'impression qu'elle n'avait plus rien à craindre, que plus rien ne pouvait l'atteindre ici. Il y eu un long silence, empreint d'émotions, avant que Lamek lui parle d'une voix sereine :
-Tu as dis que tu voulais que je t'accepte comme la femme que tu es, sache que inconsciemment je le faisais, je ne t'aime pas pour la marchombre que tu es, mais pour la femme qui est en toi.
-Merci, Lamek...
Il y eu de nouveau le silence de l'Océan, seulement troublé par le bruit des vagues et du vent. Le marchombre lui caressait le visage tendrement, alors qu'elle plongeait son regard dans le sien. Ses mains caressaient le menton du marchombre avec amour, descendant parfois pour caresser son cou, sa nuque, toujours avec la même passion, la même tendresse dans ses gestes. Au bout d'un long moment, néanmoins, elle eu l'impression d'avoir oublier quelque chose et quand elle comprit quoi, elle fit la main sur sa bouche, se figeant.
-Bon sang, Tiam !

-En douceur, Tiam, en douceur. Un marchombre est ombre et lumière, il n'est que le souffle léger du vent. Il ne laisse pas la moindre trace de son passage, quel qu'il soit. Quand je jugerais que tes traces ne s'impriment que peu dans le sable, nous passerons à autre chose. Pour l'instant, avance !
Le Faël avançait bien sur la Voie. Sa race lui permettait d'être un marchombre accompli, mais elle trouvait qu'il manquait d'une certaine force pour que sa maitrise soit parfaite. Avec ça, il se remettait à peine des centaines de pompes qu'il avait effectué alors qu'elle avait le dos tourné. Elle l'avait retrouvé à plat ventre dans le sable, haletant, tout les membres endoloris et avait retint un éclat de rire alors qu'elle le trainait avec l'aide de Lamek pour qu'il se repose. La soirée s'était déroulée tranquillement, bien qu'elle avait eu du mal à croiser le regard d'Eirik. Ce n'était qu'en regardant Lamek que son malaise disparaissait et qu'elle réussissait à se persuader qu'elle avait fait le bon choix. Elle aimait le marchombre, elle voulait passer sa vie avec lui. Des projets fleurissaient en son esprit éprit, même si elle ne voulait pour l'instant pas en faire part à Lamek. Tout viendrait en son temps. Deux jours plus tard, ils étaient à présent peu loin de l'eau. Pendant qu'Eirik accomplissait des exercices d'escalade avec Lamek, Naorha apprenait à Tiam à marcher sans laisser de traces, un exercice très difficile, même pour un marchombre aguerri. Elle voulait voir si le Faël arriverait à se débrouiller, et comme elle s'y attendait, ce n'était guère le cas. Peu y arrivaient, elle parmi les premiers, mais ce n'était pas cela qui comptait. Elle observa avec un sourire qu'il était tant pour Eirik de redescendre et le colosse marmonnait quelques jurons en s'écorchant sur la roche. L'escalade n'était vraiment pas son fort. Elle vit également Lamek qui arrivait et s'approcha pour déposer un léger baiser sur ses lèvres, profitant du fait qu'Eirik ne les regardait pas. Elle ne voulait pas pour l'instant que le Thül soit au courant, elle voulait trouver le moment. Après quelques minutes périlleuses, celui-ci revint sur la terre ferme, essuyant ses larges mains sur son pantalon, insultant sans doute dans sa barbe son maître. Elle esquissa un sourire avant de lui conseiller d'aller se laver les mains dans une source et de se faire quelques bandages. Il n'était pas encore habitué à de telles parois, ses mains étaient coupés profondément en de multiples endroits.
-Oui, tu as raison, merci ma belle !
Elle le regarda partir, un peu troublée en repensant au surnom qu'il utilisait jadis et venait de prononcer à nouveau. Elle ne savait pas si elle devait y voir une démonstration de sentiments profonds ou juste un surnom affectif. Elle attrapa la main de Lamek pour l'attirer un peu à l'écart.
-Es-ce que tu sais si il est au courant pour nous deux ? Je sais que je devrais lui en parler, mais pour l'instant, je n'en ai pas le courage...

- Est-ce que tu sais si il est au courant pour nous deux ? Je sais que je devrais lui en parler, mais pour l'instant, je n'en ai pas le courage...

Le marchombre ne dit rien, plongé dans ses pensées, Eirik n'avait plus le même comportement avec lui ces derniers temps, il ne se contentait que d'exécuter ses exercices, suivant les instructions à la lettre, mais il lui arrivait de regarder Naorha comme si il s’agissait d’un rêve hors d’atteinte.
L’esprit de Lamek tournait à plein régime, cherchant chaque éventualité, mais chacune convergeaient vers une même et seule solution, il savait par il ne savait quel stratagème, il observa Naorha, plongeant ses yeux dans ceux de la jeune femme.
Il ferma les yeux, prenant sa respiration.
- Je pense qu’il sait, maintenant il attend sûrement de l’entendre de ta bouche ou de la mienne, pour ce qui est du courage, je peux le faire

Sur ces mots, il saisit la deuxième main de la jeune femme, ne sachant pas ce qu’elle allait lui répondre il attendit, un silence salé s’installa, Naorha semblait réfléchir à la réponse du marchombre, apparemment elle ne savait pas quoi faire.
Lamek la prit dans ses bras, la rassurant.
- Quoique tu fasses, je serais là pour te soutenir, comme toujours

La marchombre sembla enfouir son visage dans ses vêtements, Lamek la serra d’avantage, il fallait qu’elle prenne une décision, et elle n’allait pas être des plus simples, il la berça, suivant le rythme des vagues la réconfortant, puis il cessa et se sépara d’elle à son grand regret.
Il partit vers la source la plus proche, allant à la rencontre de Eirik, il était allé le chercher, c’était à lui de lui annoncer, Naorha les rejoindrait peut être. Lamek marcha durant plusieurs minutes jusqu’à ce qu’une silhouette ne se dessine près d’un court d’eau, Eirik, le maître s’arrêta un instant puis reprit sa marche, le thül se retourna, Lamek le regarda un long moment, il allait sans doute l’achever avec ces mots venant de sa bouche.

Naorha avait baissé le regard, ne savant que faire, jusqu'à ce que Lamek lui lève le menton pour plonger les yeux dans les siens. Elle aimait ce miroir obscur, le miroir profond de l'âme du marchombre...
-Je pense qu’il sait, maintenant il attend sûrement de l’entendre de ta bouche ou de la mienne, pour ce qui est du courage, je peux le faire.
Elle resta silencieuse. Lamek lui prit alors sa deuxième main, son regard se faisant doux, rassurant, emplie d'un amour sans limite. Parfois, elle avait l'impression qu'elle pouvait se noyer dans ce regard... Après un long silence, il la prit dans ses bras, la rassurant dans son étreinte.
-Quoique tu fasses, je serais là pour te soutenir, comme toujours.
Elle se serra un peu plus contre lui, remerciant ses ancêtres de lui avoir offert la chance d'être avec cet être d'exception. Au bout d'un moment, il se sépara d'elle, partant sans doute à la recherche de son apprenti. Elle espérait que tout irait bien...

Eirik passait ses mains dans l'eau claire du torrent, l'esprit absorbé par ce qu'il avait vu, il y a deux jours. Le sentiment d'apaisement s'en était allé, à présent, la jalousie lui étreignait le cœur, mais il se persuadait que c'était mieux ainsi. Et puis, Naorha n'avait pas choisi n'importe qui, elle avait choisi un marchombre, comme elle, quelqu'un de bon, mystérieux, charismatique, séduisant, bref, ayant toutes les qualités pour être son compagnon. Avec ça, le bougre avait réussi à se lier d'amitié avec lui et à devenir son maître. Pourtant, le sentiment de trahison s'avérait plus fort que tout. Encore une fois, l'entrainement lui permettait d'oublier, de penser à autre chose. Son maître restait son maître, il lui apprenait l'art marchombre et au moins, ne s'affichait pas avec Naorha. C'était comme si ce qu'il avait vu n'était qu'un débordement passager, que la marchombre allait revenir vers lui et le supplier de lui pardonner pour qu'ils envisagent quelque chose ensemble. Parfois, quand il pensait à cela, il se trouvait immature, mais à l'amour comme à la guerre, il allait à l'essentiel. Le reste était foutaises et autres idioties. Il essuya ses mains puis sortit du tissu blanc de son paquetage pour se bander les mains. Au bout d'un moment, il jugea tout ceci convenable puis s'étira. Il avait besoin de penser à autre chose... Peut-être pouvait-il aller au village de pêcheurs qu'ils avaient vu en venant et voir si il pouvait trouver une taverne où quelque chose comme cela pour se détendre... Il avait l'impression de ne pas avoir mi les pieds dans un espace habitable depuis des années... Il voulu prendre son cheval par la bride, mais entendit des pas derrière lui. Il se retourna, fronçant les sourcils. Lamek. Lamek, seul, l'air sombre... Il lui adressa un sourire gêné, passant sa main dans ses cheveux.
-Oui, je sais, je partais un peu à l'improviste, mais ça fait plusieurs semaines que tu me promets un jour de repos et j'en ai toujours pas vu la couleur ! Loin de moi l'idée de vouloir contester ton autorité, mais je me suis dis que comme j'avais du temps libre devant moi, je pouvais en profiter et... Lamek, tu vas bien ?
Lamek le fixait, un air indécis sur son visage à la sombre expression, comme si il ne savait pas si il devait parler ou non. Il n'avait jamais vu un tel air sur ces traits et cela lui donna un mauvais pressentiment.
-Tu as... Quelque chose à me dire ?

Lamek regarda le thül, il ne savait pas si il savait pour lui et Naorha mais trouvé plus juste de le dire, pour que le marchombre se sente en paix mais aussi pour que son apprenti puisse prendre un nouveau, mais malgré tout, les mots n'arrivaient pas à sortir de sa gorge.
- Va, prend des jours de repos, mais avant que tu ne partes, il faut que je t'avou une chose, non pas en tant que maître mais en tant qu' homme

Lamek expliqua la situation au colosse, mal à l'aise, il n'aimait pas se trouver dans cette position, mais malgré tout, le colosse ne broncha pas, il semblait comme heureux de la franchise du Souffle, ce qui étonna le jeune homme au plus haut point.
Les deux homme discutèrent durant un long moment, Eirik semblait en paix, il ne s'était pas emporté dans une des crises de colères qui le caractérisaient bien, non, il restait debout, regardant Lamek plus que gêné par ce regard. Puis la discution se termina, Lamek reprit sa "forme" de maître, masquant à nouveau ses émotions, laissant désormais un visage impénétrable, vide d'émotion.
- Prends tes jours de repose, prend le temps qu'il te faudra, l'entraînement attendra, tu dois aepenter la Voie à ton rythme.

Le thül grimpa sur sa monture, fit un signe de tête, le visage tout aussi vide que la sien, lamek se mit à sourire, il commençait à déteindre sur lui, le cheval partit au galop en direction du village le plus proche, une fois qu'il atteignit l'horizon, il tomba à terre.
De fines larmes commençaient à naitre sur ses joues, il ne voulait pas faire de mal à Eirik, il devait le maintenir sur une ascension perpétuelle, mais il ne faisait que le blesser, une brindille craqua, attirant son attention, le marchombre se releva dagues en main, les sens en alerte, les avait-on observé depuis le début, l'avait-on vu vider son coeur ?
Un silence s'imposa tandis qu'une silhouette naissait dans les feuillages.

Naorha s'inquiétait. Elle connaissait Eirik et savait qu'il avait toujours tendance à partir au quart de tour quand quelque chose ne lui plaisait pas. Certes, Lamek était un marchombre accompli capable de se débarrasser de moult ennemis, mais avec son nouvel entrainement, Eirik était déjà bien plus rapide qu'avant et pouvait réussir à toucher Lamek, même superficiellement, la haine et la rage décuplant ses forces. Avec ça, Lamek était du genre à répondre lors d'une attaque, le tout pouvait dégénérer et finir par la mort de l'un d'entre eux, Eirik, surement. Et elle le savait, Lamek y perdrait à jamais son amour, ne trouvant que la lame glacée de la vengeance et les bras décharnés de la mort... Cette pensée l'amena à nouveau à penser à ses parents, ses parents décédés, leurs cadavres laissés à l'abandon, dépouillés par les Rais des maigres objets qu'ils possédaient... Cette pensée l'envahit d'une colère, d'une haine dont elle n'était guère habituée alors que le vent semblait charrier une acre odeur de sang. Elle avait l'impression que la Voie lui soufflait de nouveau une direction à prendre. Le Nord. Pas le lac Chen, pas Astariul, pas même le Poll. Non, bien plus loin, aux terres Rais. Une folie meurtrière l'attirait vers là-bas, bien que sa raison tentait de lui faire comprendre qu'elle faisait une erreur en pensant pouvoir atteindre ce territoire gouverné par des seigneurs fous.
Tu es une marchombre, Naorha, pas un commandant, ni même un soldat. Tu es une marchombre, tu ne pourras pas faire le poids...
Elle soupira. Les autres avaient déjà assez souffert comme ça des murmures de la Voie. Un marchombre se devait de suivre celle-ci, mais parfois, ses appels voulaient lui confier des missions bien trop impossibles à son gout... Elle observa un instant Tiam qui devait désormais faire quelques longueurs dans l'océan aux grands remous. Le Faël se débrouillait à patauger, peu habitué à un tel exercice. Elle comptait l'endurcir et faire de lui un marchombre accompli. Au bout d'un moment, elle le rappela et lui ordonna de rester sur la plage à l'attendre et en profiter pour se reposer. Elle suivit alors les traces laissés par le marchombre et son apprenti, Ulia, sa fidèle jument, sur les talons. Parfois, elle avait l'impression que c'était sa mère qui la suivait ainsi, réincarnée en sa monture, mais ce n'était qu'un mirage, elle le savait. Sa mère était morte, son père également. Elle avait vu celui-ci tomber au combat pour les protéger et Ulia hurler pour qu'elle s'enfuit. Elle était revenue des années après pour ne retrouver que les restes d'un chariot éventré envahi par la végétation... Elle trouva assez vite ce qu'elle cherchait. Lamek était là, avec Eirik... Ils parlaient... Elle voulu s'approcher, mais une main se posa sur son épaule. Une main d'ivoire d'une délicatesse divine.
-Je suis heureuse de te revoir, Naorha...
Elle se retourna pour voir soudain le plus beau visage que la Terre avait créé. Le visage d'Alina Val'Alinor qui lui sourit. Elle n'avait pas du tout changé, toujours aussi jeune, aussi incroyablement belle... Et dangereuse. La perfection s'était incarné en elle et même Naorha semblait insignifiante face à cette statue d'ivoire et d'ébène aux yeux de saphir.
-C'est ton bien-aimé, n'est-ce pas ? Tu as merveilleusement bien choisi...
-Depuis quand êtes-vous là ?
-Depuis peu... Je ne resterais pas très longtemps, la Voie et les étoiles m'appellent vers une autre destinée... Mais avant cela, je devais venir pour t'aider en ces temps... Les étoiles prévoient pour toi un destin peu commun... Tu pourrais bien changer des choses en cette terre...
Le ton mystérieux de sa voix, et pourtant si assuré, lui donna des frissons comme jamais.
-Pourtant, je ne suis...
-Tu es une marchombre, Naorha. La Voie et les étoiles te guident, mais ce sont tes choix qui construiront ton destin. Tu as la chance d'être libre. Cela est une aubaine dont peu de gens peuvent se vanter. Tu es également entourée, ne l'oublie pas. Le Souffle a également une histoire à écrire... Tout comme ton apprenti et ton ami... Le Nord t'appelle, mon enfant... Le Nord, et les rythmes sauvages des tambours de guerre. Ta guerre.
-Une pauvre vengeance personnelle...
-Les Frontaliers et les Thuls pensent tenir la frontière. Ils se trompent. Et tu le sais. Les Rais s'agitent au nord, les temps changent... A nouveau, la guerre pourrait être à nos portes... Tu seras devant les battants Naorha. Tu y seras, il est certain. Tu y seras pour sauver tes parents.
Le sang de la marchombre se glaça, lui faisant l'effet d'un ouragan intérieur. Ses parents... Les sauver... Sauver ses parents... Mais alors... Étaient-ils vivants ? Là-bas, au territoire Rais ? Sauver ses parents...
-Alors, j'ouvrirais ces portes, quitte à y perdre la vie pour les refermer.


Lamek avait fini de parler à Eirik. Elle l'entendait au travers des feuillages, elle entendait sa respiration sifflante... Puis, un craquement. Elle venait de marcher sur une brindille. Elle maudit son manque de discrétion, surtout qu'elle était près d'une femme qui semblait voler tant elle était silencieuse et possédait des mouvements fluides. Même Ellundril Chariakin n'aurait pu accomplir un tel prodige... Au bout d'un moment, elle sortit des fourrés de ses mouvements de louve à l'affut, jetant un regard en arrière. Alina était caché par l'ombre des arbres, toujours aussi belle dans ses vêtements immaculés, son katana pendu à une de ses épaules pour barrer son dos. Les yeux sombres de la marchombre se tournèrent à nouveau vers son bien-aimé alors que la magnifique femme se montrait enfin à la lumière, statue vivante de marbre. Naorha eu un sourire amusé en voyant l'air bouche bée de Lamek. Il était vrai qu'on ne pouvait être qu'impressionné devant une telle perfection, une telle noblesse où l'accent de la dangerosité était plus virulent que jamais.
-Elle s'appelle Alina Val'Alinor. J'ai fais sa connaissance durant mon apprentissage. Je lui dois beaucoup... Elle a été un guide pour moi, pendant un temps où j'avais besoin de sagesse... Et il semble que ce temps n'est pas terminé.
Elle se tourna vers la grande dame qui s'inclina gracieusement, signifiant qu'elle se retirait, avant de disparaitre dans les buissons. Naorha enlaça Lamek un instant avant de soupirer.
-J'ai des choses à te dire... J'ai pris une décision. Une grande décision qui, je le devine, ne te plairas aucunement. J'ai conscience que depuis notre rencontre, ta vie semble dictée par mes choix, tout comme la vie de Lamek et peut-être d'Eirik... J'ai l'impression que beaucoup de gens verront leur vie changer à cause de moi. Dans un sens, je t'avoue que ça me fais peur... Mais peut-être moins que ce qui m'attends. Je m'en vais, Lamek. Surement pour ne plus revenir. Surement pour détruire ce que nous connaissons... J'aimerais en ce cas que tu prennes Tiam en apprentissage avec Eirik. Ils ont à peu près le même niveau, je ne pense pas que cela posera des problèmes... Ils ont les capacités pour devenir de grands marchombres, je le sens. Tiam en a le corps, Eirik, l'âme et l'esprit. Ils progressent bien sur la Voie. Tu peux les emmener loin... Vraiment loin.
Elle reprit sa respiration, écartant une mèche de cheveu sombre. Elle sentait les mains appliquées sur son dos, lui procurant des frissons délicieux. L'envie de rester près du marchombre était immense, l'envie de vivre avec lui, d'avoir des enfants, une vie tranquille en nomade, une vie heureuse... Une vie comme elle avait eu avant que les Rais ne détruisent son bonheur. Non, cette vie là n'arriverait pas avant longtemps. Très longtemps. Ou jamais. Pour l'instant, la Voie l'emmenait vers un destin si sombre que le ciel lui-même semblait se teinter de sang.
-La Voie m'a soufflé une nouvelle destination. Le Nord. Pas pour Astariul, pas pour le Poll. Pour le territoire Rais.
Elle sentit Lamek tressaillir, aussi, elle lui attrapa les mains, les serrant comme pour les imprimer sur ses paumes.
-Lamek, Alina m'a avoué qu'il se pourrait que mes parents soient là-bas, qui'ils ne soient pas morts, qu'ils soient. Je ne peux pas les laisser. Ils m'ont donné la vie, leur amour, ils ont voulu sacrifier la leur pour me sauver... Je ne peux pas laisser, je ne peux pas... Tente de me comprendre...
Elle se serra de plus bel contre le marchombre, posant ses lèvres sur les siennes. Elle aimait tant gouter à ce doux bonheur que d'être près de lui... Mais le bonheur était éphémère, elle en avait conscience.
-Alina m'a dit que mon geste pourrait entrainer une guerre qui est déjà à nos portes. Une guerre inévitable, selon elle. J'en serais normalement l'élément déclencheur... C'est le destin que me réserve la Voie... Je... Bon sang, pourquoi ?
Elle s'assit brutalement à terre, mettant la tête dans ses mains. Elle n'en pouvait plus. Elle faisait souffrir tout ceux qui l'approchaient, elle se battait en vain face à une fatalité qui était devenue son compagnon le plus fidèle... Et Lamek... Lamek...
-Je t'aime, dit-elle, prononçant ces mots pour la première fois de sa vie. Je t'aime Lamek... Je voudrais vivre avec toi, avoir des enfants, une vie... Une vie où nous pourrions suivre la Voie dans la quiétude, la liberté... Mais moi, je... Je te dis que je vais me tuer en des terres lointaines, même si je sais que c'est pour quelque chose de bien...

Le territoire Rais, Lamek avait tressailli en entendant la destination de Naorha, de plus il sentait au fond de lui même que si elle n'en reviendrait pas, but noble ou non le marchombre ne voulait pas entendre de telles folies de la bouche de la jeune femme.
Il la scruta un instant, elle semblait déterminée, elle voulait qu'il prenne Tiam sous son aile, qu'ils les emmènent lui, le Faël et Eirik loin de la guerre, il secoua la tête.
Jusqu'à maintenant, elle avait dictée ses choix, qu'il n'avait pas regrétté, aujourd'hui, à cet instant il allait devoir choisir. Son coeur se serra, il n'aimait pas cette idée de se séparer d'elle, surtout pour aller là bas, c'était du sucide, de la pure folie.

Il s'assit, et posa son doigt sur le sol poussièreux, dessinant des formes, son doigt glissa sur le sol pendant quelques minutes puis dévoila un schéma de Gwendalavir, le Souffle réfléchissait, y aller seul était de la folie, à deux aussi d'ailleur. Il se releva et marcha jusqu'au bord de la falaise, silencieux, sous le regard attentif de la Flèche de l'Ombreuse, il observa l'Océan puis vit Tiam, lui aussi avait perdu ses parents, il ne savait pas pourquoi mais il savait que le Faël donnerait tout pour les revoir, tout comme Naorha.
Les temps changeaient, les lézards verts avaient disparus, mais les Rais étaient tout de même nombreux, désordonnés mais nombreux. Il se tourna et regarda Naorha, il ne voulait pas la perdre, pas encore, des idées germaient dans son esprit mais toutes finissaient par être contestées, son regard plongea en la jeune femme, ce qu'il avait de plus cher, plus cher que sa vie à lui, il soupira.
- Tu as donc pris une decision, et je sais que tu ne reviendras pas dessus.

Il la regarda, la contemplant comme la toute première fois, Naorha, la Flèche de l'Ombreuse, l'Ombre des forêts, une légende vivante.
Il repensa à la guerre qui avait eu lieu, au temps de Ellana, la célèbre marchombre, une guerre entre Rais, Ts'lichs, marchombres et mercenaires, un monde de chaos.
Le marchombre ferma les yeux, sentant le parfum de sa bien aimée, entendant un écho, voix familère, Kalim, lui croirait à tout cela, mais il avait disparu de la circulation.
- Que penseront tes parents quand ils sauront que ton compagnon t'a laissé tomber pour préserver son existence. Je te l'ai déja dis Naorha, je serais avec toi...

Il lança un regard sur l'Océan puis la regarda à nouveau, les yeux embués d'un début de larmes, il la regarda voulant lui montrer tout l'amour qu'il avait pour elle.
- Où que tu ailles

Un sourire sembla naitre sur le visage de la marchombre

Naorha voyait bien que ce qu'elle avait dit troublait Lamek, le rendant indécis, perdu, plongé dans la réflexion. Tout ce auquel il pensait avait été ébranlé par l'annonce de la marchombre. Absolument tout. Et elle se perdait dans son désarroi tout comme dans le sien. Elle ne voulait pas se séparer de lui, elle avait encore tant d'amour à lui donner... Et son regard ! Il la perçait, l'emplissait d'un désespoir immense, un désespoir qui la tuait lentement. Elle voyait qu'il lui en voulait, qu'il voulait qu'elle se taise, pour ne plus dire de telles folies. Il la scrutait alors qu'elle tendait la main pour toucher son visage, mais il s'assit, ses doigts dessinant des arabesques dans la poussière. Très vite, le dessin s'affina pour représenter un schéma de leur terre : Gwendalavir. Son expression se faisait réfléchie alors qu'il sondait du regard la carte, sans prêter attention à la douleur qui se lisait sur le visage de sa compagne. Cherchait-il un endroit où aller mettre en sécurité leurs deux apprentis ? Sans doute... Au bout d'un moment, il se releva, toujours pensif, observant les vagues et les mouvements d'eau de l'Océan, avant de la regarder, elle.
-Tu as donc pris une décision, et je sais que tu ne reviendras pas dessus.
Elle ferma les yeux en se relevant, prenant l'attitude qu'elle avait lors de leur première rencontre : une expression indéchiffrable, pleine de mystères et de force. Elle sentait encore ses sentiments serrer son cœur, le comprimer au point de le faire exploser, mais la sérénité qui l'envahissait et la dureté inébranlable qui l'animait l'amenait vers l'avant. Elle aimait Lamek, elle l'aimait plus que tout, mais elle savait qu'elle ne pouvait le retenir près d'elle... Et elle ne le voulait pas. Elle ouvrit alors la bouche, pour lui dire d'être tout de même heureux, d'en trouver une autre, une autre peut-être plus calme, plus femme, qui le suivrait jusqu'au bout du monde... Mais les mots ne purent sortir car Lamek reprenait :
-Que penseront tes parents quand ils sauront que ton compagnon t'a laissé tomber pour préserver son existence ? Je te l'ai déjà dis Naorha, je serais avec toi...
Elle sentit un frisson la parcourir alors que le regard de Lamek se tournait vers l'Océan avant de rencontrer à nouveau le sien pour l'envahir dans un amour si profond, si immense, si tendre, qu'elle sentit naitre des larmes au coin de ses yeux, larmes qui trouvèrent écho en celles de Lamek.
-Où que tu ailles.
Un sourire apparu alors sur le visage de Naorha qui se serra contre Lamek, le serra comme si elle voulait faire partie intégrante de son être. Désormais, leurs deux vies ne feraient plus qu'une à jamais, même face à la mort qui se dressait, même face au Royaume Rais qui attendait de refermer ses crocs sur eux. Mais Naorha avait un espoir. Deux des meilleurs marchombres de Gwendalavir allaient faire la mission périlleuse de s'infiltrer parmi les rois fous pour sauver ses parents. La bataille semblait déjà être jouée, mais il leur restait assez de bottes secrètes pour pouvoir réussir...

Le Pays Raïs, Tiam avait tressailli en entendant ces mots, son maître était-il fou, il se le demandait, il fut d'autant plus surprit en entendant son frère accepter de l'accompagner, c'était du sucide, pur et simple.

Le Faël était caché dérrière un fouré, observant les deux marchombres, cela ne faisait que quelques minutes, il les avait trouvés seuls mais avait tout de même senti une troisième présence, comme une aura. L'apprenti marchombre chercha à s'approcher, de la sueur perlait son front, il se déplaça doucement, ils ne sentaient pas encore sa présence.
Soudain, une erreur dans ses gestes lui fut fatal, une brindille craqua, Lamek s'était retourné, vif comme l'éclair, observant les moindres parcelles de terre, puis il fit comme ce bruit n'avait jamais existé, le Faël se remit à se déplacer, exagérant sur ses mouvements, souples, fluides.

Naorha avait cessé de parler, elle regardait Lamek qui l'observait, une boule se forma dans son estomac, il ne les avait observé dans des moments intimes, comme si elle avait lu dans ses pensées la jeune femme se déplaça, s'approchant de marchombre.
Tiam se mit à déglutir, il savait par ce que lui avait raconté Lamek qu'observer un maître marchombre sans son autorisation pouvait coûter la vie à l'apprenti.
Les deux marchombres continuèrent à s'observer dans le silence, soudain une petite rafale de vent vînt le destabiliser, une autre brindille craqua, le craquemment de trop.
Une ombre commença à s'approcher, il ne savait pas si il s'agissait de Lamek ou de Naorha, il ne pensait qu'à une seule vérité, il allait passer un sale quart d'heure et devinait qu'il aurait préféré se trouver face à un Thül enragé durant son savon.
L'ombre se rapprocha, cachant les éclats du soleil, l'inconnu dévoila son visage, Tiam lui montra une expression entre un sourire et l'horreur.

-Et dire que je pensais que les apprentis avaient le sens du respect pour l'intimité de leur maître.
Telle une ombre, Alina s'était approché sans bruit du Faël pour poser sa main sur son épaule et le sortir des buissons, l'entrainant avec une certaine douceur et milles précautions, mais une poigne digne d'un Thül malgré son aspect fragile et merveilleux. La magnifique femme poussa gentiment l'apprenti qui se retrouva face au regard noir de Naorha qui, mains sur les hanches, se demandait si elle n'allait pas finir par le couper en morceau et le vendre à un boucher en lui faisant croire que cela est de la viande de niffleur. Au bout d'un moment, celle-ci écarta une mèche de son front avec un soupir exaspéré.
-Que vais-je donc faire de toi, Faël de malheur ? La notion la plus élémentaire de vie privée semble autant t'échapper que l'art du dessin. Je plains celui qui va te prendre en charge.
Les yeux du Faël s'écarquillèrent de surprise et, sans doute, de peur alors qu'elle reprenait sans vraiment se soucier de sa réaction :
-En effet, lorsque nous serons à Al-Jeit, nous consulterons le conseil pour trouver à toi et Eirik des maitres de "remplacement". Vous devriez être confiés aux anciens marchombres, qui ont une expérience qui pourrait tout à fait vous être intéressante...
Elle eu un sourire énigmatique qui ne parvint pas à chasser la tristesse du visage de son jeune apprenti avant de lever les yeux versAlina.
-M'espionnais-tu toi aussi ?
-J'attendais ta réponse et celle de ton amant.
Elle sentit ses joues légèrement rosir en entendant le dernier mot, mais secoua la tête pour éviter que l'embarras ne l'envahisse.
-Il n'est pas mon... Amant, mais compagnon, Dame Val'Alinor. Je préfère ce mot, si vous n'y voyez pas d'inconvénient... De plus, j'aimerais savoir ce que vous comptez faire.
-Comme tu t'en doute, je suis bien plus âgée que je n'y parais. Assez âgée pour avoir vu Merwyn chevaucher enfant un cheval de bois en se prenant pour un guerrier. Au cours de ma longue vie, on me proposa à moi aussi de donner trois ans pour devenir marchombre. Je le suis devenue et j'ai continué à voyager sans me soucier d'autre chose que de moi. Des apprentis ont défilés devant moi pour apprendre à suivre la Voie véritablement et je leur ai enseigné une partie de mon art, comme je l'ai fais avec toi. Parn fut d'eux, tout comme le furent Kamel ou Kalim, que tu connais fort bien, jeune Souffle, je m'en doute.
Naorha avait vu le tressaillement de Lamek en entendant les deux noms. Elle se rendit alors compte qu'elle ne connaissait pas tellement le passé du marchombre. Il fallait qu'elle rattrape ceci...
-Les marchombres m'appellent à nouveau pour faire partie du conseil et faire profiter aux autres chanteurs de ténèbres de ma sagesse... Si sagesse, j'ai seulement. Les temps changent, nous avons besoin de solidité et de force au sein de notre guilde pour survivre. Il est temps pour moi de partir, jeune femme.
-Je vous remercies Dame Val'Alinor. J'espère vous revoir.
-Nous nous reverrons au conseil, jeune femme. Que les étoiles veillent sur toi et les tiens.
Silencieuse, elle disparu dans la végétation qui sembla la happer pour l'effacer à tout jamais de la surface de Gwendalavir, mais cela était faux. Alina était une personne qui avait autant de vie derrière elle que devant. Une étrange personne dont l'immortalité ne semblait être que l'un de ses nombreux dons... Elle se tourna alors vers Lamek.
-Tu m'avais parlé de ton maître Kalim, mais qui est Kamel ? C'est la première fois que j'entends ce nom...

- Tu m'avais parlé de ton maître Kalim, mais qui est Kamel ? C'est la première fois que j'entends ce nom...
Le marchombre resta silencieux, laissant remonter les souvenirs qu'il avait, rouvrant les blessures qu'il avait soigneusement pansées.
Il observa Naorha, elle le fixait, attendant une réponse, elle voulait savoir, et il allait tout lui dire, il fixa ses mains, ses bras, ses jambes, son corps.
- Kamel, un nom que j'avais jusqu'à maintenant oublié, j'en avais presque oublié les sonorités.

La voix du souffle était pleine de sensation, de la peine, comme de la souffrance, il continua à observer ses mains, s'avança vers un arbre et les plaqua sur le tronc râpeux, il ferma les yeux pendant quelques secondes puis les rouvrit, ignorant le Faël qui s'était assit.
Oui... Tiam connaissait l'histoire de Kamel, et il savait aussi que rares étaient ceux qui en connaissaient le récit.
- J’ai grandi dans la campane, à l’écart, je n’ai jamais eu d’amis, de petites amies jusqu’à maintenant. Kamel était un marchombre, surnommé « Le Fils du Vent », je ne l'ai que très peu connu, dans mes souvenirs il était rapide, souple. Mais avant d'être un homme éprit de liberté, c'est un homme qui a abandonné, sa femme et son fils, il m'a abandonné quand j'avais 8 ans.

Lamek s'arrêta de parler, faisant à nouveau planer le silence, le jeune femme le regardait, surprise, il ne chercha pas à cacher ses sentiments, il en avait assez de fuir.
Tiam jouait avec des bâtonnets, traçant des arabesques dans la sable.
- Oui, Kamel est mon père, un père que je n’ai plus vus depuis des années, j’ai presque oublié son visage, son odeur.

Lamek lui expliqua, son enseignement, comment sa mère l’avait élevé, comment le conseil lui avait fait promettre de ne plus chercher son père.
Pourtant, la jeune femme qui leur avait parlé semblait connaître son paternel, savait-elle où il se trouvait, il secoua la tête, chassant ces questions qu’il avait juré de ne plus poser.
Il regarda Naorha, il n’avait pas pût retrouver son père, il allait donc l’aider à retrouver sa famille, dans le territoire Rais.
- Toi Faël de malheur, pompes et abdos, cela t’apprendra les respect des règles

Tiam se mit à souffler, et commença à s’exécuter, ce qui tira un sourire à Lamek, ce jeune homme promettait d’être un fameux marchombre.
Le souffle se tourna, ignorant l’apprenti, sentant la présence Naorha sur son dos, il observa les vagues, l’écume glissante sur les rochers humides, les mouettes des alentours.
- Je n’ai pas pût retrouver mon père, je t’aiderai à trouver les tiens

Naorha n'avait pas bronchée, elle s'était contentée de baisser le regard, observant le sol.
Lamek avait fini de parler, il s'était tourné vers l'Océan, observant ses vagues si mystérieuse, si attirantes.
Les mots de la marchombre résonnaient dans sa tête, allant et venant, chaques mots lui brisaient le crâne, mais aussi le coeur.
"En effet, lorsque nous serons à Al-Jeit, nous consulterons le conseil pour trouver à toi et Eirik des maitres de "remplacement". Vous devriez être confiés aux anciens marchombres, qui ont une expérience qui pourrait tout à fait vous être intéressante..."
Il arrêta de tracer des arabesques pour continuer à observer son maître, était-elle sérieuse ? Voulait-elle le laisser sur le côté ?
Il ne l'acceptait pas, il n'avait du respect que pour deux êtres dans ce bas monde, Lamek et Naorha, les autres ne lui importait que peu.
Le Faêl se leva et laissa les deux maîtres seuls, dans l'intimité.

Les arbustes l'entouraient, comme pour le cerner, comme ces paroles qui ne quittaient pas son esprit, il était seul, enfin, il le croyait.
Une main se posa sur son épaule, chaleureuse, comme celle de Lamek, l'apprenti se retourna.
- Tu ne devrais pas tant forcer sur les nerfs de Lamek, il n'est que très peu patient.
L'homme qui avait prononcé ces mots était grand, dans un habit de cuir qui inspirait le marchombre, des poils de barbes ornaient ses joues.
Des cheveux noirs, un regard qu'il ne connaissait que trop bien, le même que Lamek, l'homme semblait âgé, il devait avoir dans la soixantaine.
- Qui toi être pour dire cela à moi ? Toi le connaître ?
- Oui, mais j'aurais mieux le connaître
L'homme soupira un moment, comme s'il venait de deviner quelque chose d'important.
- Laisse moi te dire une chose, lorsque tu prononces un nom avec force, ce mot appel son propriétaire.

Le Faël secoua la tête, qui était ce fou, pour qui se prenait-il ?
Tiam se retourna pour observer les buissons autour de lui quand un filet de brume se mit à surgir de nul part, il se retourna aussitôt pour questionner l'inconnu, mais il avait disparu.
Aucune trace, le silence, c'était comme si cet homme n'avait jamais existé.
Le Faël tomba sur le sol, se mettant en tailleur, méditant sur ce qui venait de se passer.

Tiam avait exécuté l'exercice demandé, puis s'était retiré, laissant Lamek seul avec Naorha. Elle semblait surprise, surprise que le père du marchombre se soit enfui, laissant son fils derrière. Même lui, Lamek n'arrivait pas à le comprendre, s'i avait un fils ou une fille, il s'en occuperait jours et nuits, oubliant sa liberté, ne pensant qu'à leur bien être.
La marchombre semblait désorientée, aussi il laissa réfléchir, ils attendraient sûrement le retour d'Eirik pour lui annoncer la nouvelle.
Il la laissa seule, plongée dans ses pensées, avec l'esprit de jeune femme-spectre qui était apparue, il alla chercher Tiam.

Des cailloux, des arbustes, et enfin un Faël.
Le jeune homme était assit en tailleur, plongé dans des pensées, faisant des mimiques, répétant : Non, pas possible, moi avoir rêvé
Lamek s'approcha et se coucha à côté de son ami, fermant les yeux.
- Qu'as-tu Faël de malheur ?

L'apprenti ne répondit pas, toujours plongé dans ses pensées, dans ses grimaces.
Le marchombre attendit, il avait tout son temps, le passé pensait-il, n'allait pas le rattraper.
- Moi avoir vu fantôme

Le soufflé se redressa, regardant son ami, se pinçant la bouche pour ne pas rire, il ne croyait pas aux spectres, il ne l'associait qu'aux phénomènes dont il ne trouvait pas de réponse. Tout en sachant que chaque problème avait une solution que la Voie leur soufflait.
- La dame ? C'est ça ton spectre ?
- Non, répondit le Faël, mais lui m'avoir parlé
- Et que t'a t-il dit, demanda Lamek, le sourire aux lèvres
- Que noms avaient un pouvoir

Le marchombre se cessa de rire en entendant ces paroles qu'il ne connaissait que trop bien. Les paroles d'un homme qui l'avait abandonné.
Le regard de Lamek fût soudain chargé de craintes, comme s'il venait de voir un fantôme, son passé le poursuivait.

Assis sur le sol poussièreux, Lamek fermait les yeux, cherchant à faire taire cette cascade de sentiments et de larmes qui affluaient. Le temps l'avait rattrapé, son esprit, son âme parcourait son passé. Il revoyait les traits de sa mère.
Sa mère était assise, admirant l'étendue d'eau miroitante au soleil. Son père taillait des flèches pour aller chercher du gibier, le repas enfin. L'air avait une odeur de sève, le soleil tapait sur les têtes.
- Par le sang des figés, cria Kamel
Rozana se retourna, attirée par les cris de son mari, et commença rire aux éclats, si bien qu'elle tomba à la renverse. Lamek les observait, le sourire aux lèvres.
- Regarde ton père qui s'est encore coupé, lui chuchota t-elle, et ne refais pas de même fils
Le jeune garçon regarda son père, suçant son pouce comme en bambin.
Il l'admirait temps, lui et ses mouvements fluides qu'il voulait tant posséder.
Son visage rayonnait comme un soleil, il ne se doutait pas que Kamel disparaîtait le lendemain de cette journée mangifique. Il ignorait qu'une jeune femme viendrait le voir pour lui annoncer la fuite de son père vers la liberté. Cette femme, Alina Val'Alinor, il venait de s'en souvenir, il l'avait donc connue ?

Le jeune homme rouvrit les yeux, laissant les larmes voyager sur son visage.
Alina l'avait vu quand il était encore enfant mais n'avait rien dit...
Les larmes continuèrent de couler.
- Mon fils, sache que les noms appellent les hommes, il n'en est jamais autrement. Ton passé est peut être fait de souffrances, mais ta destinée sera plus grande encore que tu ne le penses.
- Qui t'a dit ça papa ? Qui changera mon destin ?
- Une marchombre me l'a dit, et c'est une marchombre encore qui bousculera ta vie
Un craquement se fit entendre, Tiam se leva, guettant les mouvements de l'ombre qui approchait.

-Lamek...
Naorha apparu à travers les feuillages, tirant Ulia par la bride, ses longs cheveux bruns tombant gracieusement sur ses épaules. Elle avait abandonné sa tunique ample pour une armure de cuir sombre qui moulait son corps comme une seconde peau ainsi qu'un grand manteau également en cuir, mais plus souple. Son carquois et son arc dans le dos, ses dagues à la ceinture, elle avait fait son sac et l'avait accroché à la selle de sa jument. Elle jeta un regard à son jeune apprenti qui s'était levé immédiatement à son approche. D'un signe de la main qu'il avait apprit à bien connaitre, elle lui indiqua d'aller préparer ses affaires. Le Faël alla s'exécuter sans demander son reste, disparaissant dans les broussailles.
-Comme tu t'en doute, je pars immédiatement. Puisque tu as décidé de partager mon destin, je ne saurais trop te conseiller de préparer tes affaires... Je vais chercher Eirik, pour lui expliquer... Il risque de nous haïr après ça...
Elle se pencha pour embrasser son front avant d'enfourcher d'un bond Ulia et de partir vers le village où était son ami khül. Le vent l'appelait sans cesse, l'implorant de suivre son destin. Destin qu'elle comptait rejoindre à tire d'aile...

-Comme tu t'en doute, je pars immédiatement. Puisque tu as décidé de partager mon destin, je ne saurais trop te conseiller de préparer tes affaires... Je vais chercher Eirik, pour lui expliquer... Il risque de nous haïr après ça...
Malgré la douleur des souvenirs, la remarque de Naorha fit sourire Lamek, elle avait bien raison. Il s'en voulait d'ailleurs d'infligé tant de souffrances.
Le marchombre tourna la tête à côté de lui tandis que sa compagne partait, il s'aperçut ainsi que Tiam était parti se préparer.
L'esprit de Lamek recommença à voyagé dans ses pensées. A qui confiraient-ils leur apprenti ? Pour Eirik, il avait sa petite idée, mais pour Tiam ?
Tant de questions et si peu de réponses.
Le marchombre se leva et siffla. Un étalon noir répondit à son appel. Semblable à Tonnerre, son ancienne monture, mais ce n'était pas la même, l'animal ne le connaissait pas encore.
Lamek lui carressa le flanc, les naseaux puis observa le mord. Une barre de fer placée dans la bouche de l'animal. Il ne s'y connaissait pas tellement en animal mais devinait que cette senstion ne devait pas être très agréable, aussi il le lui retira.
Le destrier ne broncha pas, il ne se contenta que de souffler un petit coup.
Cela faisait une éternité que le marchombre ne s'était plus occupé d'un animal, trop occupé à courrir, changer de montures. Mais malgré toutes ses réticences à s'occuper d'une bête, il désirait faire plus ample connaissance. Un dialogue commença à prendre forme entre eux, silencieux, dans le regard, dans l'âme.
Ce ne fût que lorsque le cheval se mit à hénnir que Lamek sortit de sa transe pour ensuite aller se préparer, il s'arma de dagues, arc et sabre, cachant crochets et autres armes marchombres sous ses vêtements. Il irait emprunté une armure du même type que Naorha au village voisin. Sur ces pensées, il enfourcha sa monture et partit rejoindre ses compagnons.