A LA POURSUITE DE NAORHA

Lamek était face, il pouvait presque la toucher, sa silhouette était fine, gracieuse, ses yeux sauvages et ténébreux, impénétrables, soudain elle vacilla, sans aucune raison dans un précipice sorti de nul part. Il lui tendit la main, cherchant à rattraper la marchombre, mais n'y arrivait, elle tombait, et il ne pouvait rien faire. Le marchombre tourna la tête, cherchant de l'aide, personne, il était seul, il plongea. Se rapprochant peu à peu de la jeune femme, il tombait, il essaya une nouvelle fois de la rattraper, mais en vain, il la regarda, son visage était neutre, ignorant ce danger mortel qui la menaçait. Lamek cria de toutes ses forces, de toute l'amour qu'il avait pour elle, son cri résonnait.
- Naorha, non ! Ne t'en vas pas !

Il se sentit secouer, on lui hurla dessus, la voix semblait lointaine mais familière, celle de Eirik, pourquoi le Thül ne faisait-il rien ? Il ne cessait de l'entendre quand on le brusqua de nouveau.
- Ce n'est rien Lamek ! C'est un rêve ! Par le sang des figés, pourquoi cris-tu ?

Le Souffle ouvrit les yeux aussitôt, son corps était couvert de transpiration, ses muscles encore contractés, mais ce n'était qu'un rêve. Le Thül l'observa, soucieux, regarda que Lamek évita, il se leva et parti se dégourdir les jambes, seul.
Cela faisait plus d'une semaine qu'ils pistaient Naorha, sans aucun résultat, les traces étaient presques invisibles, le marchombre ne cessait de penser à elle.
Son coeur se ressera, la marchombre avait parlée à Eirik à travers ses pensées, pourquoi non lui, son esprit s'était-il bloqué de toute infiltration, peut être qu'il avait inconsciement créée une bulle autour de lui sous le poids du chagrin.
Le jeune homme passa le reste de sa nuit à observer les étoiles, plongé dans ses pensées où ne cessait de revenir le visage de Naorha.

Eirik était inquiet. Inquiet pour Lamek, mais également pour Naorha. La jeune femme n'avait plus donné signe de vie depuis le message qu'il lui avait donné, le message où elle disait qu'elle les aimait tout les deux. Il l'avait répété pour Lamek, sans raconter pour le baiser qu'elle lui avait donné. Cela, c'était bien trop personnel pour le dire à quiconque. Il avait peur qu'il lui soit arrivé quelque chose, mais la jeune femme était une guerrière, et même, une légende. Il avait été surpris d'apprendre, de la bouche de Lamek et de quelques Faëls, qu'on l'appelait désormais la Flèche de l'Ombreuse ou l'Ombre des Forêts et que de bien nombreux mythes parlaient d'elle. Plus belle que la lune, plus indomptable que l'océan, plus puissante que la montagne, plus terrible que la terre, plus silencieuse que les ténèbres... Bien de ces qualificatifs lui convenaient, mais apprendre qu'elle avait gagné deux tournois, celui de l'arc et des mains nues, qu'elle avait abattu un tigre des prairies située à une centaine de mètre d'elle en l'atteignant entre les deux yeux ainsi que d'autres exploits l'avait rendu muet pendant de longues minutes. Il se rendait à présent compte de la femme d'exception qu'était Naorha. Un modèle pour les marchombres et les guerriers de tout Gwendalavir, la meilleure archère que le monde ai connu, et surtout, la plus belle femme qu'il n'ai jamais vu. En pensant à cela, il s'était empourpré comme un adolescent pré-pubère, mais personne n'avait remarqué son gêne évident. Il avait mit ça sur le compte du trouble intérieur de Lamek.
Il s'était à mit à l'apprécier, le nain devenu professeur, son rival amoureux. En un sens, ils étaient incroyablement semblables, tout les deux amoureux de la même femme, tout les deux amoureux de la liberté. Devoir suivre Lamek sans avoir son mot à dire avait d'abord pesé au colosse, puis était venu le moment d'apprendre. Il n'avait plus regretté son choix. Par rapport à de plus jeunes élèves, il était bien plus endurant, habitué aux exercices guerriers depuis sa plus tendre enfance. Apprendre à manier le sabre avec une plus grande précision l'avait passionné, au point que si Lamek ne l'avait pas stoppé, il aurait continué jusqu'au lendemain. Se sentir devenir toujours plus fort, plus rapide, plus précis, le rendait infatigable. Il continuait inlassablement de s'entrainer quand Lamek avait le dos tourné, le même enthousiasme dans ses mouvements à mesure que la fatigue attaquait ses muscles endoloris. Le marchombre l'avait forcé à se débarrasser de ses armes lourdes pour les troquer contre sabre, dagues, arc et armes de jet, mais il avait dissimulé sa meurtrière hache de guerre, seul souvenir qu'il gardait de son défunt père. Il n'avait pas pu se résoudre à s'en séparer, tout comme son grand arc de chasse que Lamek avait fini par lui laisser après maintes supplications. Celui-ci, c'était lié à Naorha. Il avait passé des heures à apprendre avec elle à mieux se servir de son arme et en gardait un souvenir des plus doux. Il avait également troqué ses vêtements Thüls contre une armure de cuir noire, plus légère. On avait tendance à lui jeter de drôles de regard sur son passage, tant il était atypique de voir un Thül ainsi habillé. A la fin, il avait fini par détresser ses cheveux et les coupé un peu plus court pour éviter qu'on le reconnaisse en tant que membre de son peuple. Il n'était plus Thül, il était marchombre, il fallait qu'il se fasse à cette idée.
Il revenait d'une séance d'entrainement clandestine où il s'était remis à manier la hache de guerre de son père. Se replonger dans ses souvenirs en sentant ses muscles se contracter à chaque mouvement l'avait apaisé et... Epuisé. Il se préparait à passer une bonne nuit de sommeil, à défaut qu'elle soit peut-être longue. Il rangea son arme dans ses bagages, observant du coin de l'œil son maître. Lamek avait le sommeil agité, il se tournait et se retournait, affichant un visage empreint dans la douleur. Eirik songea qu'il n'aimerait pas être à sa place et s'allongea par terre, s'enveloppant dans sa couverture. Ses yeux se fermèrent tout seuls jusqu'à ce qu'il soit réveillé par un grand cri. Il sorti rapidement son couteau de chasse pour faire face à l'agresseur mais découvrit vite que celui-ci était immatériel. Lamek se débattait dans son sommeil en hurlant. Avec un juron, le colosse jeta son couteau sur le sol pour attraper les épaules de son maître.
-Lamek ! Appela t-il. Calme-toi, Lamek !
-Naorha, non ! Ne t'en vas pas !
Ce cri donna la chair de poule à l'apprenti marchombre qui après un silence, se reprit et le secoua de nouveau.
-Ce n'est rien Lamek ! C'est un rêve ! Par le sang des figés, pourquoi cris-tu ?
Enfin, le marchombre ouvrit les yeux, le souffle court, avant de se lever pour éviter le regard soucieux d'Eirik. Le Thül soupira, conscient de ce qu'il s'était passé. Quand Naorha l'avait quitté, il avait été secoué de cauchemars pendant des semaines entières. Il lui arrivait parfois de songer encore à elle, mais ses mauvais rêves se faisaient de plus en plus rares. Son souvenir s'étiolait, la douleur s'en allait peu à peu. Seul le temps pouvait apaiser une telle chose...
Il s'allongea à nouveau, observant les étoiles. Malgré la fatigue, il ne se sentait plus capable de s'endormir et sentait son inconscient lutter contre le sommeil. Mais au bout d'un moment, son corps fut le plus fort et il sombra jusqu'au petit matin. Il rêva à son tour. Mais son rêve n'avait rien à voir avec un cauchemar. Etait-ce même un rêve ? C'était un souvenir... Un souvenir doux, apaisant...

-Tu as déjà vu l'océan ?
Eirik écarta une épaisse mèche de cheveux en faisant la moue. Il était encore jeune, aussi, ses cheveux longs étaient libres sur ses larges épaules. Quand il serait considéré comme un homme parmi les siens, il pourrait se natter les cheveux comme les autres guerriers. Naorha n'avait jamais compris cette logique. Pour elle, Eirik était un adulte, déjà plus vieux qu'elle de plusieurs années. Il lui avait rapidement expliqué qu'il y avait un certain rite de passage, mais n'avait pas expliqué lequel, soit disant pour ne pas heurter sa sensibilité. Au bout d'un moment, il lui répondit :
-Non. Je n'ai jamais quitté le nord de la Gwendalavir.
-Je pense que cela te plairais. Pour moi, le Grand Océan du Sud est comme la promesse d'une liberté nouvelle. Les vagues t'emportent comme des chevaux vers des contrées lointaines... Plus lointaines encore que l'Archipel Aline.
-Tu es poète à présent ? Tu m'étonneras toujours, Naorha...
Elle lui fit alors un sourire qui fit bouillir son sang. Un sourire imprimé en lui à jamais...

-Lamek, appela t-il au petit matin, tirant leurs montures. Je sais où est Naorha...

Lamek était adossé à un arbre, observant l'horizon si mystérieux et attrayant.
Le marchombre toucha ses lèvres du bout des doigts, des baisers, des mensonges, Naorha lui avait menti, elle aimait le Thül, le observa à nouveau l'horizon, cherchant à fuir les souvenirs, ses peines. Depuis le rêve de cette nuit, il n'avait pas eu le courage de trouver le sommeil, il avait peur de la revoir, de revoir la Flèche de l'Ombreuse, la fameuse, partout où elle allait on la connaissait, même au delà de l'océan.
Il poussa un soupir, il se demandait si il allait avoir la force de la revoir en face, sans s'enfuir à nouveau, la voir et lui laisser le Thül...
Un goût amère s'imposa dans sa bouche, un goût âcre, la bouche pâteuse, la jalousie, l'amour.
Pour le première fois il avait peur, il craignait de la revoir...
La voix de Eirik le sortit de ses pensées.
- Lamek, appela t-il au petit matin, tirant leurs montures. Je sais où est Naorha...

Le maître regarda son élève, il semblait paisible, il progressait vite, ce qu'il avait prévu, il savait aussi qu'il avait gardé sa hache, mais avait trouvé bon d'ignorer ce geste, il devait bien ça à son apprenti, après tout la tolérance était la carotte.
Lamek sortit à nouveau de ses pensées, il avait deux choix, présenté sous élève au conseil, ce que Naorha n'allait pas tardé à faire aussi, ou rejoindre la marchombre.
Le sourire sur le visage du Thül lui fit prendre sa décision, la rejoindre.
Le Souffle prit la bride se monture, observant son apprenti, puis il monta en selle, il fit un signe de tête à Eirik, lui demandant de monter sur son destrier.
- Dans ce cas passe devant, je te suis

Le colosse parti au galop, Lamel le suivi, ils partirent en direction de l'Océan, ce lieu si mystérieux, seul lieu où il n'était pas allé jusqu'à présent.
*Naorha, attend moi, j'arrive* Il pensa ces moments, esprant que la jeune femme l'entende.